Une passion à double tranchant
Une terrariophilie positiveLa terrariophilie, même lorsqu'elle reste dans un contexte de plaisir purement visuelle, permet une meilleure compréhension des animaux dont l'amateur a la garde. Beaucoup de personnes font l'amalgame en considérant que ceux qui les mettent en terrarium ne veulent pas les voir dans la nature : les deux choses sont complémentaires et plusieurs espèces de reptiles ne doivent leur survie que grâce à la captivité. L'interpellation courante "Ils sont mieux dans la nature" provient généralement de personnes qui n'hésiteraient pas une seconde à écrabouiller le malheureux serpent qui croiserait leur route à un détour de promenade (sic!). Il est évident que tous les terrariophiles apprécient énormément une rencontre en nature avec leurs animaux préférés : beaucoup participent au dénombrement, à la protection et la sensibilisation du public vis-à-vis de la faune sauvage. La terrariophilie, en ce sens, peut avoir un impact pédagogique plus important qu'avec un autre animal dit "de compagnie"*. C'est la méconnaissance qui engendre la peur, et la peur génère souvent une destruction systématique. L'amateur éclairé sur la vie de ses pensionnaires est un ambassadeur idéal pour ces animaux très souvent décriés.
Les terrariophiles ont et auront un rôle important à jouer en collaboration avec les institutions zoologiques. De telles synergies ont déjà vu le jour de nombreuses fois : beaucoup d'amateurs oeuvrent pour une meilleure connaissance de ces animaux et leurs efforts sont constructifs.
• Lors du premier congrès mondial d'herpétologie, à Canterbury en 1989, une motion de reconnaissance pour la contribution qu'apportent les amateurs aux progrès de l'herpétologie a été votée.
• Le célèbre Durrell Wildlife Preservation Trust a ainsi confié à des amateurs confirmés (sous contrat) des juvéniles issus de reproduction de leur centre (
Casarea dussumieri, Boa de l'Ile ronde).
• Devant l'ampleur du désastre concernant les populations de tortues aquatiques en Asie, il devient de plus en plus évident que les instituts zoologiques seuls ne peuvent endiguer ce phénomène. Des programmes de conservation comme le TSA (Turtle Survival Alliance) impliquent déjà des éleveurs privés. Lors du dernier meeting de l'AZA (American Zoo and Aquarium association) et du Reptile and Amphibian TAG (Taxon Advisory Group), la question de l'implication d'éleveurs privés a été envisagée.
Le nombre d'espèces propagées en captivité ne cesse d'augmenter. La proportion de reptiles nés en captivité dans les importations européennes de 1990 à 1999 est passée de 7 à 52%. Les animaux présentés aux dernières bourses européennes sont issus de naissances captives pour plus de 80% des cas. La plus grande disponibilité des reptiles et amphibiens sur le marché actuel reflète l'essor énorme de la maîtrise de leur reproduction et de leur connaissance générale.
Le côté obscurIl n'est pas possible de présenter la terrariophilie sans parler de ceux qui la rendent inacceptable. Quelque soit le milieu passionnel qui nous préoccupe, il y aura toujours des personnes aux intérêts déplacés et au comportement conflictuel. Dès lors que nous parlons d'animaux captifs et pas d'objets quelconques il y a évidemment des réactions plus importantes. Il est cependant navrant de s'apercevoir que les médias relaient plus facilement le côté sordide d'un marginal excentrique que l'élevage d'amateurs passionnés, pourtant mille fois plus nombreux.
Il est tout à fait possible à l'heure actuelle d'acquérir un reptiles ou un amphibien sans s'être le moins du monde renseigné. Un simple passage dans une animalerie, ou un clic de souris, et le tour est joué. Comme indiqué précédemment la possession d'un animal implique des responsabilités, et visiblement certaines personnes s'en affranchissent. Le motif est la "possession" d'un animal exotique, le faire-valoir pour combler un manque de personnalité…, en bref l'animal n'est pas là pour son confort et son observation mais plutôt pour l'image qu'il transmettra au propriétaire. Parfois c'est tout simplement une lassitude de l'animal acheté sur une impulsion, son comportement ou sa taille qui ne satisfont plus (tout est lié à une absence de renseignements préalables) qui conduiront le propriétaire à le négliger, voire à le laisser mourir. Souvent on cherche à se débarrasser de l'animal, dans le pire des cas en le lâchant dans le milieu naturel : c'est ce qui s'est passé avec les fameuses tortues de Floride (
Trachemys scripta elegans) en Europe, et c'est ce qui se passe en Floride avec les python molure.
Dans tous les cas c'est assimilable à de la maltraitance. Ce type de comportement est malheureusement trop fréquent, mais on le rencontre quelque soit les animaux impliqués, hélas.
La 'démocratisation' de la terrariophilie a mathématiquement fait exploser la demande des amateurs pour les animaux. L'import de reptiles est ainsi passé de 60 000 à 255 000 animaux entre 1990 et 1999, même si comme précisé précédemment la proportion d'animaux nés en captivités a augmenté largement. Des demandes plus fortes impliquent un commerce illégal plus lucratif… Ce commerce illégal, difficile à quantifier (par définition) ne porte évidemment pas sur des espèces courantes mais sur des populations rares, endémiques. La course en avant pour obtenir les dernières raretés (avec des gains potentiels importants pour le vendeur comme pour l'acquéreur en cas de reproduction) fait que certains éleveurs sont peu regardants sur l'origine de animaux. Même si ces ponctions sont très rarement la cause de déclin des espèces, elles s'accumulent aux autres facteurs de raréfaction. Et l'éventuelle population obtenue par les reproductions captives ne servira qu'à alimenter le marché terrariophile, pas à sauvegarder l'espèce.
La généralisation est une pratique courante chez les médias grand public, on aurait pourtant tort de faire un amalgame. Élever une
Pantherophis guttatus chez soi dans des conditions correctes de bien-être ne peut être assimilé à du bio-terrorisme. Autant demander des comptes à un éleveur de canaris pour les populations déclinantes de cacatoès aux Philippines : il n'y a pas vraiment de rapport. Les
guttatus sont reproduites en captivité depuis plus de 50 ans, on pourrait sur ce point en remontrer à l'aquariophilie.
* : le terme NAC fut créé par les vétérinaires, non par les éleveurs ou commerçants...